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jeudi 12 mars 2015

Récit d'une éclipse

Locataire d'une brutale désillusion amoureuse, j'astreins mon esprit depuis quelques jours à s'éclipser dans une marche quotidienne. La campagne toute proche aide à soutenir l'effort qui m'emmène cette fois-ci vers le difroud et les chemins creux. J'ai à peine entamé le tracé boueux que je tombe sur une décharge maintenant familière à mes yeux : plusieurs rouleaux de plants de tomates, hébergeant des ficelles et autres bouts de plastiques. Cette découverte éveille ma curiosité épidermique et m'entraîne dans des sentiers déconseillés à la pratique de la randonnée mais fortement marqués par le passage de véhicules lourds. 
Après une fouille méticuleuse soldée par l'échec, et sans le savoir, je me retrouve projeté à l'arrière de Runavod et dans quelques souvenirs d'un passage dans ce hameau. Je reconnais la maison qui m'avait accueilli 3 ans plus tôt. Je m'approche d'elle pour rendre visite à sa propriétaire. Il s'agit de Mme Th., je le lis sur la boite aux lettres. Je frappe une fois, puis renouvelle le geste. Après un effort de concentration je finis pas percevoir le son d'une voix. Je jette un regard par la fenêtre d'où elle provient : "Entrez" s'écrit un lit médicalisé. Je franchis le seuil de la maison, pousse la porte de la pièce de gauche et tombe nez à nez avec une vieille dame souffreteuse, c'est elle qui occupe le lit. J'ai du mal à reconnaître Mme Th. Le temps commence à sentir la saisine. Elle n'est pas toute seule. La TV lui tient compagnie, enfin, de là où elle est, elle ne peut apprécier que le tintamarre de scènes qu'elle ne verra pas.
"Bonjour Madame,
- Qui êtes-vous ? Ces mots semblent faire un effort ventriculaire pour s'arracher de la glotte. Malgré tout, l'expulsion est facilitée par une bouche constamment ouverte, parsemée de quelques dents. Le spectacle d'un palet orné d'orifices quasi vitreux me rend compassionnel.
- David, vous vous souvenez certainement pas mais vous m'aviez appelé il y a trois ans pour me parler du lagunage. Je ne sais pas si c'est utile mais je parle haut. D'ailleurs je vois qu'elle peine à rassembler le peu de lucidité qui lui reste,
- Ah bon ?
- Oui, vous m'aviez dit que vous aviez eu déjà la visite d'élus pour en parler et que vous ne les aviez jamais revu. Moi je vous avais dit que je reviendrai vous voir et je voulais vous remercier parce que c'est grâce à vous que l'on va bientôt parler de lagunage à Plougastel. Merci Mm Th.
La bouche ouverte s'étire et se fend d'un rire héroïque,
-Ah ! Tu ne connaissais pas le lagunage avant ?
- Non. Merci encore. Les rires recommencent.
- Prends moi la main, me demande t'elle soudain. Je m'exécute sans sourciller. J'aimerais me relever, tu peux m'aider ?
- Je n'ose pas je pourrais faire un mauvais geste. Je vais vous laisser maintenant. Tenez je pose sur la table des jonquilles que j'ai cueillies". Elles redonneront un peu de fraîcheur et de renouveau dans un décor qui s'éteint et sent le passé. J'espère que l'aide soignante pensera à les mettre dans un vase.
Après quelques adieux rapides je sors et rejoins ma vie. Ce n'était pas un moment ordinaire. Je devais revenir pour entendre un rire qui s'éternisera après elle.

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